jeudi, 15 juin 2023 14:17

7. L’Eucharistie comme source de responsabilité face à la crise écologique intégrale

Olivier Ndondo, SSS. 
Rome, Italie, 2/11/2022.

 

Introduction

La crise écologique intégrale actuelle qui se manifeste par l’hostilité de la nature et la recrudescence des pauvres dans le monde constitue sans aucun doute, le « plus grand défi de l’histoire de l’humanité[1] », à cause de la menace qu’elle constitue pour la vie et l’avenir de la planète Terre.

Si tel est le cas, quelle est alors la responsabilité du chrétien face à cette situation ? Peut-il se sentir responsable pour la sauvegarde de la création ? Autrement dit, le chrétien qui célèbre l’eucharistie dominicale dont la matière est fruit de la terre (création) et du travail des hommes, peut-il se sentir interpellé par la crise écologique et la sauvegarde de la création ?

Cette réflexion a justement pour objectif de répondre à ces différentes interrogations. Elle est une analyse qui met en lumière la responsabilité du chrétien qui célèbre l’eucharistie face à la crise écologique et à la sauvegarde de la création. Cette étude porte sur trois points :

  • La dimension mystique de la présence de Dieu dans l’univers
  • De la responsabilité du chrétien dans la sauvegarde de la création, partant de l’eucharistie
  • Eucharistie, lieu d’hommage et de la sauvegarde de la vie

En dehors de cette introduction, une conclusion mettra fin à notre réflexion. 

 

1. La dimension mystique de la présence de Dieu dans l’univers

Affirmer que l’eucharistie est source de responsabilité pour la sauvegarde de la « maison commune », personne ne peut en douter. Or, il n’est pas possible de parler de l’eucharistie et de la sauvegarde de la création sans souligner la dimension mystique de la présence de Dieu dans l’univers. En effet, selon le pape François, « l’univers se déploie en Dieu, qui le remplit tout entier. Il y a donc une mystique dans une feuille, dans un chemin, dans la rosée, dans le visage du pauvre[2] ». Dans son encyclique sur l’écologie, le pape François invite à découvrir en toute chose l’action de Dieu et à trouver Dieu dans les créatures extérieures. Dans un style poétique et citant un maître spirituel, Alî al-Khawwâç, le pape rappelle que Dieu se laisse découvrir dans le souffle du vent, le bruit de l’eau qui coule, le bourdonnement des mouches, le grincement des portes, le chant des oiseaux, le soupir des malades, le gémissement de l’affligé[3].

En soulignant la dimension mystique de la création, le pape reconnaît qu’il y a une connexion intime entre Dieu et les êtres. La création n’est plus à considérer comme une simple nature, mais un vecteur de la présence mystérieuse du divin qui assume cette nature. Il invite à aller au-delà des choses visibles pour y voir les signes parlant de la présence de l’auteur de la création qu’est Dieu. C’est dans cette optique qu’il convient de comprendre les sacrements. Selon le pape,

les Sacrements sont un mode privilégié de la manière dont la nature est assumée par Dieu et devient médiation de la vie surnaturelle. À travers le culte, nous sommes invités à embrasser le monde à un niveau différent. L’eau, l’huile, le feu et les couleurs sont assumés avec toute leur force symbolique et s’incorporent à la louange. La main qui bénit est instrument de l’amour de Dieu et reflet de la proximité de Jésus-Christ qui est venu nous accompagner sur le chemin de la vie. L’eau qui se répand sur le corps de l’enfant baptisé est signe de vie nouvelle. Nous ne nous évadons pas du monde, et nous ne nions pas la nature quand nous voulons rencontrer Dieu[4].

C’est dans la présence du verbe Incarné dont les sacrements sont des signes, que toutes les créatures de l’univers matériel trouvent leur vrai sens : « le Fils de Dieu a intégré dans sa personne une partie de l’univers matériel, où il a introduit un germe de transformation définitive[5] ».

Pour mieux élucider la place de la nature dans la révélation, Jésus s’est servi des réalités particulières. Ces réalités se font mieux remarquer dans la démarche de l’institution de l’eucharistie. Non seulement Jésus s’est incarné (cf. Jn 1, 14), il a aussi utilisé les produits de la nature pour instituer le sacrement de son amour qu’est l’eucharistie : 

Dans l’Eucharistie, la création trouve sa plus grande élévation. La grâce, qui tend à se manifester d’une manière sensible, atteint une expression extraordinaire quand Dieu fait homme, se fait nourriture pour sa créature. Le Seigneur, au sommet du mystère de l’Incarnation, a voulu rejoindre notre intimité à travers un fragment de matière. Non d’en haut, mais de l’intérieur, pour que nous puissions le rencontrer dans notre propre monde. Dans l’Eucharistie la plénitude est déjà réalisée; c’est le centre vital de l’univers, le foyer débordant d’amour et de vie inépuisables. Uni au Fils incarné, présent dans l’Eucharistie, tout le cosmos rend grâce à Dieu[6].

À la suite de ses prédécesseurs qui ont souligné la dimension cosmique de l’eucharistie, le pape François reconnait tout de même que l’Eucharistie est en soi un acte d’amour cosmique[7]. Pour souligner la dimension cosmique de l’eucharistie, François emprunte une idée chère à son prédécesseur :

« Même lorsqu’elle est célébrée sur un petit autel d’une église de campagne, l’Eucharistie est toujours célébrée, en un sens, sur l’autel du monde ». L’eucharistie unit le ciel et la terre, elle embrasse et pénètre toute la création. Le monde qui est issu des mains de Dieu, retourne à lui dans une joyeuse et pleine adoration: dans le Pain eucharistique, « la création est tendue vers la divinisation, vers les saintes noces, vers l’unification avec le Créateur lui-même. »[8]

 

2. De la responsabilité du chrétien dans la sauvegarde de la création, partant de l’eucharistie

L’eucharistie et la création sont deux thèmes qui s’alimentent et se fécondent mutuellement, s’articulent de manière cohérente, s’éclairent mutuellement et se font élucider l’un par l’autre. L’eucharistie est un véritable référentiel[9] pour la théologie de l’écologie et pour la responsabilité humaine dans la création. « L’Eucharistie est aussi source de lumière et de motivation pour nos préoccupations concernant l’environnement, et elle nous invite à être gardiens de toute la création[10] ».

Le choix du pain et du vin comme matière eucharistique par le Christ, le rapport du vin au sang et à la vie, le repos dominical et la célébration dominicale peuvent nous aider à comprendre ou à dégager la responsabilité du chrétien dans la sauvegarde de la création, partant de l’eucharistie. L’espèce eucharistique du pain comporte plusieurs enjeux sémantiques. D’après le vocabulaire de théologie biblique,

Le pain, don de Dieu, est pour l’homme une source de force (Ps 104, 14), un moyen de subsister si essentiel que manquer de pain, c’est manquer de tout (Am 4, 6 ; Gn 28, 20) ; aussi, dans la prière que le Christ enseigne à ses disciples, le pain semble-t-il résumer tous les dons qui nous sont nécessaires (Lc 11, 3) ; bien plus, il a été pris pour signe du plus grand des dons (Mc 14, 22)[11].

Le pain est fruit de la nature. Le pain est un lieu de communion entre l’humain et le divin. Voilà pourquoi le pain est aussi utilisé dans le culte. C’est particulièrement dans l’eucharistie, que l’emploi du pain dans le culte constitue un moment élevé : après la multiplication des pains avec des gestes liturgiques (Mt 14, 19), Jésus ordonne pendant la Cène de renouveler l’action par laquelle il fit du pain son corps sacrifié et sacrement de l’unité des fidèles (1 Co 10, 16-22, 23-36) et du vin, son sang.

Ainsi, dans l’institution du partage de son corps et de sa vie « au travers du pain », la considération des éléments de la nature, atteint son degré le plus élevé. Mais dans l’eucharistie, Jésus avance d’un autre pas : il fait du pain « son propre corps ». La nature n’est plus seulement reconnue comme un don de Dieu, dans le sens de « donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ». Elle est déclarée « constituante » de l’épaisseur même où la « communion réelle » avec le divin s’accomplit.

Dans l’eucharistie, la nature est plus que « don ». Par elle, l’humain entrent dans le drame d’une communion mystérieuse, intime et profonde avec le divin. Par les espèces du pain et du vin, c’est toute la nature même, en plus de sa réalité biophysique qui accède à la dignité d’être un lieu de rencontre « communionnelle » avec Dieu.

L’eucharistie implique une écologie cosmique. Dans l’eucharistie, la nature, et non seulement la chair humaine, est élevée dans la dignité d’être un vecteur de la rencontre avec la présence réelle divine (et cela sans panthéisme). Cette démarche ne découle pas d’un dictat de l’humain sur la matière. Comme le dit M. Kehl,

En tant que réalité pré-donnée par le Créateur, la nature possède une valeur propre spécifique (comme toute créature qui en effet est posée par Dieu dans son existence propre), et cette valeur propre, dans son principe même, pose des limites au pouvoir de l’homme de disposer des choses. (Même si) dans le cas concret, il est toujours très difficile de déterminer avec précision ces limites posées à l’homme lorsqu’il travaille et utilise les réalités naturelles pré-données[12].

Dans l’eucharistie, le « ceci est mon corps » indique aussi la donne où se joue le drame de l’incommensurable mystère d’« inter-présence » entre Dieu, le monde et les humains.

Comme le pain, le vin, la deuxième composante de l’eucharistie, dispose d’une grande valeur symbolique, aussi bien dans la vie profane que cultuelle. Comme le pain, le vin est un don de Dieu (Gn 27, 28). Il est source de vie pour l’homme quand il le boit modérément (Si 31, 27). Le vin symbolise tout ce que la vie peut avoir d’agréable[13]. D’un point de vue religieux, le symbolisme de vin se place en contexte eschatologique[14].

Jésus se servira du pain et du vin pour instituer l’eucharistie qu’il a confié à ses disciples. Le vin renvoie à « la réalité incommensurablement agréable de l’amour de Dieu ». Or cet amour est ce qu’il y a de plus intime en Dieu d’un côté ; de l’autre, l’amour de Dieu est ce qu’il y a de plus vivifiant dans les créatures et la création comme totalité. L’amour de Dieu est en ce sens ce qui, comme du sang, fait vivre la création. Le vin renvoie à l’amour et l’amour renvoie à l’élément vivifiant le plus intime qu’est le sang. Jésus peut prendre alors le vin pour dire « prenez ceci est mon sang », c’est-à-dire l’élément le plus vivifiant en moi qui sera le plus vivifiant en vous.

Boire du vin devenu sang du Christ, c’est boire le plus intime en Dieu, son amour. C’est boire l’amour de Dieu « en lui Jésus » pour obtenir une vivification et une joie éternelle. Il s’agit de boire à la source de la bonté qu’est Dieu lui-même.

Dans ce contexte, la « bonté » naturelle au « boire du vin » est Ainsi, les bontés qui structurent les petites choses de la nature sont des « analogues participants » permettant d’envisager la bonté du Créateur, l’amour du Créateur dont ils sont faits. En ce sens, la bonté des créatures qui est une des « figurations » de la bonté de la communion au salut éternel et/ou à la joie éternelle constitue une révélation cosmique de la bonté divine. Une lecture de la nature dans ce qu’elle a de bon, de vivifiant renvoie à une contemplation de la source dont elle est faite. Le sens des éléments de la nature qui font fonctionner l’acte de l’institution eucharistique renvoie au sens du divin, et le sens du divin renvoie à regarder la nature en ce qu’elle a de bon.

L’eucharistie est une catéchèse sur la Bonté de la création telle qu’elle reflète de manière intime la bonté du Créateur. Dans les textes de la création, cette dernière est donnée à l’homme. C’est donc un don d’amour et non un « scorpion », un « serpent », ou encore un poison (cf. Lc 11, 11-12) qui est confié à l’homme.

La théologie du symbolisme sur le sens du vin en rapport au sang et à l’amour de Dieu, éclaire le sens de la création comme don de la vie divine, de sa bonté pour la vie de la création et des créatures. Elle est une réponse plus explicite de l’écologie intégrale sur les différentes inquiétudes du monde causées par les nocivités générées par une mauvaise gestion de l’écosystème et de ses éléments.

Par cette analyse qui vient d’être faite sur le sens du sang et du vin, partant de la vision du pape François, l’eucharistie met l’humaniste à pied d’œuvre pour une autocritique, une remise en cause des diverses perversions de la nature contre sa « nature originaire » qui, dans la perspective de la foi, devrait être bonne à priori, transcendentalement.

Si la nature est un lieu de la vie et que dans notre rapport à cette dernière, nous « buvons de la bonté divine », nous communions au sang du Christ, c’est-à-dire à l’amour de Dieu, alors cette création ne devrait pas être pervertie en poison toxique contre les humains et contre elle-même. De la théologie eucharistique focalisée sur le « vin », le croyant peut faire dériver des motifs de soutenir une mission prophétique de dénonciation de toutes les intoxications de la nature contre la vie à quelque niveau que ce soit.

 

3. Eucharistie, lieu d’hommage et de la sauvegarde de la vie

L’eucharistie est un appel à la sauvegarde et à la promotion de la vie et de la création dans son ensemble. La responsabilité chrétienne pour la sauvegarde de la création, notamment la protection de la vie, devient plus urgente, si l’on prend en compte, les paroles de Jesus : « ceci est mon sang » (cf. Mt 26, 28 ; Mc 14, 24). Au cœur de l’expression impérative « ceci est mon sang », il y a la réalité « sang ». Le sang comporte différentes connotations et implications de sens en rapport avec la responsabilité du chrétien sur la vie.  

Le sang est au centre de la vitalité et de l’existence des organismes vivants sanguins. Le sang soutient et anime la vie. Il constitue la réalité particulière par laquelle un organisme vit. Dans les Saintes Ecritures, il est sacré. Verser le sang d’un autre, qu’il soit victime de sacrifice ou être humain, c’est en général poser un acte qui introduit dans une relation avec l’autre monde, le monde invisible. Le sang est sacré aux yeux de Dieu. Il constitue la valeur intime et unique de l’être, tel que Dieu le veut. Le sang est « ce que l’être » a d’inaliénable en tant que propriété de Dieu. Dans cette optique, ne peuvent se justifier

La traite des êtres humains, la criminalité organisée, le narcotrafic, le commerce de diamants ensanglantés et de peaux d’animaux en voie d’extinction, l’achat d’organes des pauvres dans le but de les vendre ou de les utiliser pour l’expérimentation, ou le rejet d’enfants parce qu’ils ne répondent pas au désir de leurs parents, la logique du ‘‘utilise et jette’’, qui engendre tant de résidus[15].

Nul ne peut toucher au sang de l’autre. « Donner son sang pour », c’est donner la chose la plus intime que l’on a pour sa propre survie et pour le bien de l’autre. Jésus donne à ses disciples de boire son sang. Jésus invite à communier à sa vie par la communion à son sang. Jesus invite à partager avec lui plus ontologiquement et « existentiellement » ce qu’il a de plus intime. 

Pour Jésus, la vie de l’être humain est tellement précieuse et sacrée aux yeux de Jésus qu’elle mérite que son sang soit versé pour la protéger et la sauver. La vie dans son sens actuel et éternel mérite tout pour Jésus, même le sacrifice jusqu’au sang versé sur le bois de la croix. Ainsi le sang de Jésus devient source de paix pour l’humanité : « Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute plénitude et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1, 19-20)[16].

Le sang est donc dense de sacralité, de l’appartenance à l’Autre, à Dieu, de l’appartenance au divin. Etant donné que c’est une propriété de l’Autre, tout devrait être investi pour protéger la vie. Jésus donne sa vie pour protéger la vie. L’organisation du savoir vivre en société devrait se faire en respectant l’impératif du « ne tuez pas » (Dt 6, 17). La vie (symbolisée ici par le sang) est donc un élément de la nature qui, dans la révélation, fait l’objet d’un regard particulier de Dieu. Elle est une propriété particulière par laquelle, Jésus fonde son amour et veut faire changer la société.

L’eucharistie, comme lieu d’hommage à la vie, invite donc toute organisation de la nature à être élaborée en respectant la vie.

Dans ce sens, une pratique écologique nuisible à la vie, chez les uns ou chez les autres, n’est pas conforme au sens des choses tel que le veulent les Ecritures. La communion eucharistique est donc une démarche de partage de cette invitation à tout investir comme privation pour que le sang de tous soit respecté. Les paroles de l’institution eucharistique investissent de la présence divine, la vie que symbolise le sang ou l’élément vital intime qui, par le Créateur, fait la structure sacrée existentielle de ce qu’il ou elle est.

« Prenez et buvez » signifie, engagez-vous comme moi jusqu’au sacrifice pour la protection de la vie, du sang de l’un et de l’autre. Partagez au quotidien ce sacrifice. Faites-le en mémoire de moi (Lc 22, 19). Les paroles de Jésus sont un appel à l’engagement quotidien continu et sans fin pour la protection de la vie sur la terre (révolution au service des pauvres, des malades, des indigents) et pour la vie éternelle. Cette protection de la vie implique une organisation du monde telle qu’elle ne devienne pas nuisible vis-à-vis de la vie que Dieu a « vue bonne ».

« Prenez et buvez » est source de responsabilité pour la sauvegarde de l’autre et de la création, pour le maintien de la relation avec l’autre. Sa négligence « détruit ma relation intérieure avec moi-même, avec les autres, avec Dieu et avec la terre[17] ». C’est un appel à maintien de la bonne relation avec l’autre. Pour souligner cet aspect, le pape François fait référence à la conversation dramatique entre Dieu et Abel: « Qu’as-tu fait? Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol!(Gn 4, 9-11)[18] ».

La réflexion sur l’eucharistie valorise la vie et invite donc au sens de responsabilité qui doit caractériser tout chrétien vis-à-vis des pauvres, et son « besoin de renforcer la conscience que nous sommes une seule famille humaine[19] ». En effet, cette réflexion se fait dans la dynamique de l’organisation des projets écologiques et de la sauvegarde de la création. L’eucharistie fait appel non seulement à une vision « anthropocentrée » ou « cosmocentrée », mais plutôt à une vision « biocentrée » de l’écologie. 

Comme le sang symbolise la vie, l’eucharistie éclaire d’une lumière élevée, toutes les démarches de protection de la vie, même dans sa dimension élémentaire. Ainsi, tout en reconnaissant que l’eucharistie, surtout dominicale, souligne avec plus de force sa dimension ecclésiale[20] ou communautaire, il convient d’admettre en même temps que l’eucharistie est source d’engagement pour chaque baptisé, pour la sauvegarde de la vie et de la création. Ainsi, le chrétien est appelé à une bonne gestion de tout ce qui touche de près ou de loin au respect de la vie. Car, « l’un et l’autre aspects, celui de la célébration et celui de l’expérience vécue, son en rapport étroit [21]».

La célébration eucharistique implique la mission de protéger la vie et la création dans son ensemble. En recevant le Pain de vie, les disciples du Christ se disposent à aborder, avec la force du Ressuscité et de son Esprit, les tâches qui les attendent dans leur vie ordinaire. Comme les premiers témoins de la résurrection, les chrétiens convoqués tous les dimanches pour vivre et proclamer la présence du Ressuscité, sont appelés à se faire dans leur vie quotidienne évangélisateurs et témoins. Après la célébration eucharistique, chaque disciple du Christ retourne dans son milieu de vie avec le devoir de faire de toute sa vie un don, un sacrifice spirituel agréable à Dieu (cf. Rm 12, 1), débiteur, non seulement envers ses frères et sœurs de ce qu’il a reçu dans la célébration, mais aussi envers l’ensemble de la création[22].

La participation à l’eucharistie dominicale a une importance spéciale pour la sauvegarde de la création. Elle acquiert un sens fondamental qui aide le chrétien dans la compréhension de son rapport avec la création. Elle renouvelle la compréhension même que l’homme a du repos dominical. L’eucharistie dominicale devient pour chaque chrétien, un appel à « la purification des relations de l’être humain avec Dieu, avec lui-même, avec les autres et avec le monde[23] ».

Par le repos dominical et la célébration eucharistique, le chrétien apprend à intégrer dans sa vie la valeur du loisir et de la fête. Il redonne son vrai sens au jour du dimanche qui est le « jour de la résurrection, premier jour de la nouvelle création, dont les prémices sont l’humanité ressuscite du Seigneur, gage de la transfiguration finale de toute la réalité créée[24] ». 

La célébration eucharistique constitue pour chaque chrétien un appel à inclure dans sa mentalité et dans son agir une dimension de la réceptivité et de la gratuité pouvant lui permettre d’éviter l’activisme vide, la passion vorace et l’isolement de la conscience qui ne voit que le bénéfice personnel. Autrement dit, le repos dominical constitue pour chaque fidèle, « un élargissement du regard qui permet de reconnaître à nouveau les droits des autres. Ainsi, le jour du repos, dont l’Eucharistie est le centre, répand sa lumière sur la semaine tout entière et il nous pousse à intérioriser la protection de la nature et des pauvres[25] ».

 

Conclusion

La crise écologique En ce sens, elle est pour tous une interpellation et une véritable école de formation à la responsabilité.

L’eucharistie est sans nul doute, le centre de l’univers et source intarissable de responsabilité pour la sauvegarde et à la promotion de la vie et de la création dans son ensemble. Dans l’eucharistie, le « ceci est mon corps » et le « ceci est mon sang » indiquent aussi la donne où se joue le drame de l’incommensurable mystère d’« inter-présence » entre Dieu, le monde et les humains qui est source d’engagement pour tout chrétien.

Comme véritable appel et référentiel pour la responsabilité chrétienne en ce qui concerne la sauvegarde de la création, faisant de la protection de la vie plus qu’une urgence, « l’Eucharistie est aussi source de lumière et de motivation pour nos préoccupations concernant l’environnement, et elle nous invite à être gardiens de toute la création[26] ».

 

[1] Aurélien Barrau, Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité. Face à la catastrophe écologique et sociale, Neuilly-sur-Seine 2019.

[2] François, lettre encyclique Laudato Si’, (2015), 233.

[3] Cf. François, Laudato Si’, 233.

[4] François, Laudato Si’, 235.

[5] François, Laudato Si’, 235.

[6] François, Laudato Si’, 236.

[7] François, Laudato Si’, 236.

[8] François, Laudato Si’, 236.

[9] Par référentiel nous entendons un ensemble structuré d’information ou un système de référence liée à un champ de connaissance, en vue d’une pratique ou d’une étude, et dans lequel se trouvent des éléments de définitions, de solutions, de pratique ou autres sujets relatifs de ce champ de connaissance.

[10] François, Laudato Si’, 236.

[11] Xavier Léon-Dufour (dir.), Vocabulaire de Théologie Biblique, Paris 1970, 875.

[12] Medard Kehl, « Et Dieu vit que cela était bon ». Une théologie de la création, Paris 2008, 493.

[13] L’amitié (Si 9, 10), l’amour humain (Ct 1, 4 ; 4, 10), la joie (Za 10, 7 ; Jt 12, 13). Il peut aussi évoquer l’ivresse malsaine des cultes idolâtriques (Jer 51, 7 ; Ap 18, 3) tout comme le bonheur du disciple de la sagesse (Pr 9, 2).

[14] Cf. Am 5, 11 ; Mi 6, 15 ; Is 51, 17 ; Am 9, 14 ; Os 2, 24; Mc 2, 22;  Jn 2, 10; Mt 9, 17 ; Mt 26, 39). Cette coupe qu’il demande à ses disciples de boire (Jn 6, 53-56) est un aliment de vie éternelle et gage de gloire éternelle. Cependant, avant de boire du vin nouveau dans le Royaume du Père, le chrétien se nourrira, au long des jours, du vin devenu le sang répandu de son Seigneur (Cf. 1 Co 10, 16).

[15] Cf. François, Laudato Si’, 123.

[16] Cf. François, Laudato Si’, 100.

[17] François, Laudato Si’, 70.

[18] François, Laudato Si’, 70.

[19] François, Laudato Si’, 52.

[20] Jean-Paul II, Lettre apostolique Dies Domini (1998), 34.

[21] Jean-Paul II, Dies Domini, 40.

[22] Cf. Jean-Paul II, Dies Domini, 45.

[23] François, Laudato Si’, 237.

[24] François, Laudato Si’, 237.

[25] François, Laudato Si’, 237.

[26] François, Laudato Si’, 236.

Dernière modification le jeudi, 15 juin 2023 14:29