L’Histoire

S. Pierre-Julien Eymard et son œuvre dans le monde


     La publication des écrits du P. Eymard, qui peut être dès maintenant consultée sur internet grâce au site www.eymard.org permet de mieux connaître sa physionomie et de mesurer l’importance de son œuvre en son temps. L’édition imprimée, une œuvre monumentale – on prévoit 16 volumes – offrira aux chercheurs une documentation très vaste, presque exhaustive. Des travaux permettront de mieux comprendre sa pensée, son évolution, en particulier les intuitions qui ont guidé sa vie de fondateur.

     Son histoire se poursuit aussi à travers les œuvres qu’il a fondées et qui portent son message sur tous les continents. Le parcours ne peut être que succinct. Comment décrire, en effet, en quelques pages l’histoire de centaines de communautés au cours d’un siècle et demi d’existence ? Alors, brièvement, évoquons l’histoire des Instituts qu’il a fondés, Religieux et Servantes du Saint-Sacrement, ainsi que l’Agrégation pour les laïcs.

Promouvoir le Règne de Dieu par l’Eucharistie

     Tel est l’idéal qu’il propose à ses disciples, prêtres religieux, religieuses ou laïcs. Sa devise est : Que ton Règne vienne ! Sans doute est-ce le bien commun de toute l’Église, et de nombreuses congrégations au 19e s. Ce qui lui est propre, c’est l’approche qu’il propose : par l’Eucharistie et par la croissance de l’Église, faire advenir le Règne de Dieu. En face des besoins spirituels de son époque, il découvre qu’il faut revenir à la source de la foi, la personne du Christ Jésus, présente et révélée de façon spéciale dans l’Eucharistie. Le Curé d’Ars n’avait pas agi autrement, pour raviver la foi chrétienne et la pratique religieuse dans sa paroisse. Et lui-même, durant ses deux années comme curé de Monteynard, en avait déjà fait l’expérience.

     Les grâces particulières qu’il a reçues, ainsi le 25 mai 1845 à Saint-Paul à Lyon, le 21 janvier 1851 au sanctuaire de Fourvière et le 18 avril à La Seyne-sur-Mer, l’ont conduit à devenir fondateur d’Instituts religieux voués à l’Eucharistie : c’est en elle qu’ils trouvent son inspiration, son mode de vie, sa perfection. Dans sa correspondance à Virginie Danion, il exprime au mieux cette synthèse où le mystère de l’Eucharistie est à la fois le principe, le centre et le terme de toute vie chrétienne : La divine Eucharistie, lui écrit-il, est assez grande, assez puissante pour se suffire ; tout doit sortir d’elle et revenir à elle ; son esprit doit être UN et sortir de ce cœur divin. Sa règle, ses œuvres, ses moyens, tout est dans l’adorable Hostie. – Plût à Dieu que nous soyons assez saints et embrasés d’amour pour la voir et la lire dans Jésus-Christ Eucharistie (27 septembre 1857).

     Peu auparavant, il avait notifié à sa correspondante la double finalité de son Institut, à la fois contemplative et apostolique : Nous voulons non seulement adorer, servir, aimer Jésus-Eucharistie, mais encore le faire connaître, adorer, servir et aimer de tous les cœurs (24 août 1857).

Les Religieux du Saint-Sacrement

     A l’occasion du 150e anniversaire de la fondation de la Congrégation du Saint-Sacrement, nous avons évoqué les modestes et difficiles débuts de la première fondation le 13 mai 1856 à Paris, rue d’Enfer, dans 14e arrondissement actuel, le quartier le plus pauvre de la capitale. Au mois de mars 1858, la communauté s’installe rue du faubourg Saint-Jacques, C’est là que le P. Eymard inaugure, avec des laïcs, l’Œuvre de la Première communion des adultes. Puis il ouvre de nouveaux cénacles, en 1859 à Marseille, en 1862 à Angers, en 1866 à Bruxelles et à Saint-Maurice (Essonne), enfin une seconde communauté à Bruxelles. A sa mort, survenue le 1er août 1868, la Congrégation compte 6 communautés et 50 religieux.

     La succession s’avère difficile. Le nombre restreint des religieux, la difficulté de cerner le charisme du fondateur, une tentative même d’affilier la Société à un ordre monastique, l’anticléricalisme des années 1880 qui conduit à la fermeture des communautés d’Angers et d’Arras : autant d’épreuves qui constituent comme une crise de croissance, qui trouve son terme au chapitre général de 1887 : le Société trouve enfin sa stabilité et s’engage vers l’avenir. De nouvelles communautés sont fondées : en 1886 à Rome, en 1890 à Montréal, en 1899 à Bozen au Tyrol, d’autres en France. L’essor fut de courte durée. Les lois anti-congréganistes de 1903 provoquent la fermeture de toutes les communautés de France et le regroupement de la plupart des religieux français en Belgique, où se reconstituèrent les maisons de formation.

     Au cours de cette période mouvementée, des œuvres eucharistiques fleurissent : celle de la Première communion des adultes, l’Agrégation du Saint-Sacrement, l’œuvre des prêtres adorateurs, la participation aux Congrès eucharistiques internationaux. Le P. Tesnière publie des écrits sous le nom du P. Eymard. Des revues diffusent sa pensée et promeuvent l’adoration et la communion fréquente. Les sanctuaires sont des centres d’adoration, de catéchèse, d’accueil et d’initiation à l’Eucharistie.

Une expansion en Europe et au-delà

     En réalité, ces événements dramatiques provoquèrent un essor international, à peine concevable quelques années auparavant. En l’espace d’une décennie, des communautés s’ouvrent, bien au-delà de l’Hexagone : en 1900 à Turin et à New York, en 1902 aux Pays-Bas, en 1903 à Buenos Aires (Argentine), en 1908 à Tolosa (Espagne) et à Santiago (Chili).

     La Première guerre mondiale marqua un arrêt. En 1919, la communauté de Paris se reforme, puis d’autres en France : Trévoux, Marseille, Angers, Brusque. L’expansion se poursuit également dans les différents pays où nous sommes présents, et au-delà. En 1919, s’ouvre également une communauté en Suisse, Le Noirmont, d’autres en Allemagne, en Autriche et en Tchécoslovaquie. Au-delà des frontières de l’Europe, en 1926 fondation à Rio de Janeiro (Brésil), en 1927 à Montevideo (Uruguay) et en 1929 à Melbourne.

     En 1925, la béatification du P. Eymard constitue un événement important 1931 marque une étape dans l’organisation de la Congrégation : le chapitre général décide la création de quatre Provinces, de façon à assurer une meilleure animation des communautés et à laisser aux nouvelles entités ainsi constituées l’autonomie qui leur revient. La Congrégation compte alors environ 550 religieux. Lorsque la Seconde guerre mondiale éclate en 1939, on en dénombre 950 environ.

L’expansion dans les jeunes Églises d’Afrique et d’Asie

     En 1948, une première communauté s’établit en Afrique, à Maputo (alors Lourenço Marquès), au Mozambique, suivie peu après par un essai au Burundi. Puis, successivement, s’ouvrent des communautés en 1957 à Brazzaville (Congo), en 1958 à Kinshasa (R. D. Congo) et l’année suivante à Dakar (Sénégal). Il faut attendre des décennies pour que de jeunes Africains s’engagent dans la Congrégation. Aujourd’hui, avec des communautés au Cameroun et en Ouganda, l’Afrique dispose de maisons de formation interafricaines, un noviciat à Koudiadiène (Sénégal) et un scolasticat à Kinshasa.

     L’Asie a connu un essor analogue, avec sa première communauté en 1955 à Manille (Philippines) et, la même année, à Colombo (Sri Lanka). En 1964, une communauté s’établit à Bombay (Inde). Enfin, en 1970, un groupe de religieux vietnamiens fonde une communauté à Saigon (Vietnam). Un acte de foi en cette période de guerre, qui devint un défi en 1975 alors que reste un seul Père, le P. Dominique Hien. Aujourd’hui, le Vietnam compte plus de 90 religieux répartis en 12 communautés.

     En 2012, la Congrégation compte 909 membres, dont 691 religieux – 7 évêques, 605 prêtres et diacres, et 79 frères -, 160 scolastiques et 58 novices. La sécularisation a marqué fortement la vie de l’Église en notre contexte occidental et a provoqué fermetures de communautés et vieillissement du personnel. La relève aujourd’hui vient surtout de l’Asie, de l’Afrique et d’Amérique Latine. La rénovation de l’Institut s’inscrit dans la ‘nouvelle évangélisation’ de nos vieilles terres de chrétienté : l’Eucharistie en est la source et le centre.

 

Écrit par P. André Guitton, sss