« Communauté et histoire forment les deux faces d'une même réalité de l'homme qui se fait dans une ouverture diachronique-synchronique. En synchronie, les hommes s'ouvrent les uns aux autres, formant une communauté de vie et de progrès. En diachronie, ils se réalisent en commun comme histoire »

Prière, fraternité et service sont les trois piliers de la Spiritualité Eucharistique, une spiritualité qui fait partie de l'identité de la Congrégation du Saint-Sacrement.

• La prière: La vie chrétienne ne peut être pensée ni vé

cue sans la prière. C'est-à-dire qu'on ne peut pas parler de vie chrétienne sans qu’il y ait une rencontre communautaire, mais surtout une rencontre personnelle de communion et d'amitié avec Jésus Christ à partir de la prière. Ainsi, la prière devient l'axe central d'où jaillit toute l'activité chrétienne pour construire le Royaume de Dieu. Pour cette raison, la prière constitue ainsi la première dimension de la pratique chrétienne.

• La fraternité: C’est la dynamique de sortir de soi pour se rencontrer et partager avec l'autre, avec notre prochain. C'est-à-dire aller à la rencontre de Dieu à travers et au moyen du frère et, par conséquent, de la communauté. D’abord, il faut apprendre à accueillir l'autre, mais aussi à l'écouter, c'est-à-dire non seulement reconnaître l'autre en tant que personne, mais aussi reconnaître la présence de Dieu en l'autre. Car, « Cet Autre (Dieu) est en même temps l'autre; cet homme, dans sa réalité la plus intime, c'est Dieu. Son moi est un moi Divin. »

• Le service: La vie chrétienne est un appel au service: donner sa vie pour les autres. Rencontrer Dieu dans les situations historiques et concrètes des autres et, surtout, de ceux qui souffrent. Il s'agit de l'engagement d'être au service de la communauté: l'engagement de donner sa vie pour que les événements liés à Dieu et à sa présence se produisent dans l'histoire. C'est donc l'appel à être pour l'autre, présence et bénédiction de Dieu. En un mot, l'engagement pour le bien.

• La Spiritualité Eucharistique, chemin de conversion: Maintenant, à partir du temps de grâce ou « temps favorable » en nous référant à l'apôtre Paul (2Co. 6, 2) qui est le Carême, cette Spiritualité Eucharistique offre un chemin de conversion qui est précisément l'appel que nous recevons du Seigneur « convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc1, 15). En effet, si les trois piliers du Carême, prière, aumône et jeûne, sont des moyens pour arriver à la conversion, la spiritualité eucharistique l'est aussi, et d'autant plus qu'elle prend sa source dans la compréhension même du Sacrement de l'Eucharistie qui, à la lumière de Vatican II, est « source et sommet de toute la vie chrétienne » (LG.11). Ainsi, la spiritualité eucharistique a la capacité d’apporter une pratique chrétienne transformatrice qui naît de l'idéal de la vie eucharistique, qui cherche à réunir contemplation et action.

Avant tout, pour la simple raison que la nouvelle vie dans le Christ ne peut être pleinement eucharistique si elle n'est pas consacrée à Dieu et aux hommes, la spiritualité eucharistique cherche ainsi à offrir une voie pour vivre pleinement le Mystère Pascal de notre Seigneur Jésus Christ, c'est-à-dire, une façon de vivre l'évangile en construisant de fait le Royaume de Dieu. Par la prière, la fraternité et le service, il s'agit d'adopter une vie chrétienne pleinement eucharistique qui englobe, en soi, la solidarité avec les pauvres et les faibles (recherchée par le jeûne et l'aumône) et l'opposition à tout ce qui porte atteinte à la dignité de l'homme. Parce que la foi chrétienne, qui trouve son fondement et son sens à partir du don gratuit de Dieu en Jésus Christ qui se fait pain, Pain de vie dans l'Eucharistie, constitue le noyau de l'expérience de foi puisqu’elle est le lieu de rencontre entre Dieu et l'homme.

Cette rencontre avec l'amour de Dieu dans l'eucharistie entraîne à son tour la rencontre avec le prochain, c'est-à-dire avec le frère. L'eucharistie ou, pourrions-nous dire, la spiritualité eucharistique qui naît de notre compréhension du sacrement de l'eucharistie, nous amène à réaliser la même expérience que l'Apôtre des nations, saint Paul: « Je ne vis plus, c'est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Ainsi, la spiritualité eucharistique répond, ou plus exactement, correspond à l'esprit du carême, en un mot, à la spiritualité chrétienne, celle de faire de chaque chrétien un autre Christ, c'est-à-dire des hommes et des femmes ressuscités qui reflètent la perfection du Père compatissant et miséricordieux.

En définitive, vivre le carême dans la clé de la conversion à partir de la spiritualité eucharistique, c'est assumer en premier lieu, à partir de la prière, la communion avec Jésus eucharistique et donc avec l'Église. En second lieu, à partir de la fraternité, prendre conscience que la vie chrétienne se vit en communauté, c'est-à-dire en construisant des liens de fraternité. Et enfin, en troisième lieu, à partir du service, tenir compte que la vie chrétienne, la foi en l'eucharistie implique un engagement envers le monde. Par conséquent, la prière, la fraternité et le service exposent la nécessité de nous engager dans la transformation de la société, c'est-à-dire affronter la réalité historique et sociale afin de construire un monde différent, un monde nouveau: plus juste et plus fraternel.La spiritualité eucharistique permet alors, d'une part, l'expérience de la rencontre avec Dieu (par la prière) et avec les autres (par la fraternité) et, d'autre part, l'exercice d'une pratique chrétienne transformatrice (à partir du service). Une vie de prière, fraternelle et de service constitue sans aucun doute un chemin de conversion selon l'esprit du carême. Car justement, la spiritualité eucharistique conduit à une orthopraxie chrétienne qui est un signe de maturité dans la foi. Ainsi, la spiritualité eucharistique (prière, fraternité et service) de même que les trois piliers du temps du carême (prière, aumône et jeûne) visent à former des chrétiens convaincus et engagés à la cause du Royaume de Dieu, c'est-à-dire la conversion personnelle et communautaire et, par conséquent, la transformation sociale. Tout ceci pour parvenir à un monde plus juste et plus fraternel en attendant la venue du Seigneur.

Telle est notre mission à la lumière de la Règle de Vie et tel est aussi le dessein de l'Église en ce temps de carême dans son appel à la conversion. Dans cette dynamique, la tâche pour nous religieux SSS en ce temps favorable qu'est le carême, est de tourner notre regard vers notre propre spiritualité. Il s'agit de mieux la vivre mais aussi et surtout de la proposer à nos paroissiens et laïcs comme un chemin de conversion qui nous conduira pas à pas, avec sécurité et certitude, vers la Résurrection. C'est-à-dire qu'elle nous conduira à la célébration du Mystère Pascal avec un cœur nouveau et une vie renouvelée et donc à ressusciter avec le Christ.

Frère Christophe Mendy, sss
extrait du NOTIBIP 78 - Mars 2022