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vendredi, 27 août 2021 09:16

Les Pères du St Sacrement à Sant’Agata in Arfoli Reggello (Florence) 1984 - 2020

Ce n’est pas facile de raconter vingt ans de vie à Sant’Agata. Quand j’y pense ma tête se remplit de souvenirs, de visages, d’histoires, de joie et aussi de fatigue, de passages compliqués et aussi de quelques regrets.

Quand on a décidé en 1993 d’apporter un nouvel élan à Sant’Agata et de donner à cette présence une nouvelle occasion, j’étais heureux et je m’y suis engagé avec un grand enthousiasme. Au début avec Rizieri, Severino, Ugo, Guglielmo et ensuite avec d’autres confrères qui se sont succédés, nous avons partagé l’idée de créer une communauté qui soit le signe et le témoignage d’une vie eucharistique. Et le rythme de notre vie se basait sur les expressions qui pour nous étaient intéressantes afin de vivre à fond la dynamique de l’Eucharistie.

Le choix de la communion

Entre nous et avec ceux qui souhaitaient partager certains aspects de notre vie, nous avons toujours cherché à avancer en construisant la communion, comme relation, accueil de l’autre et capacité de nous aider.

Nous avons choisi de vivre une logique de service à travers le désir de mettre en valeur la présence des autres et d’accepter de vivre avec les autres. Ce service s’est exprimé aussi par la volonté de continuer à vivre une insertion dans les paroisses qui nous étaient confiées (Sant’Agata et Cancelli au début et ensuite aussi San Donato in Fronzano) pour essayer de construire une église de communion.

Un service aussi pour la terre. Comme chaque homme et femme nous avons accepté volontiers de travailler la terre propriété de la paroisse. Sans vouloir devenir des paysans, mais pour être des religieux et prêtres qui ne se sentent pas privilégiés mais qui s’insèrent à fond dans le tissu sociale et humain des gens qui vivent près d’eux.

À ceux qui nous accompagnaient nous demandions que le service (dans la maison, en cuisine, dans les champs) soit une expression concrète d’une Eucharistie qui demande disponibilité et partage. Nous n’étions pas intéressés par la quantité du service mais par le cœur mis à l’ouvrage même dans les gestes les plus simples et quotidiens.

Expérience de prière

La célébration et la prière ont toujours occupé une place importante pour nous en tant que communauté et aussi pour ceux qui venaient chez nous. Le rythme de la journée suivait la cadence de la prière : les laudes le matin, l’adoration et la célébration de l’après-midi.

Et devant l’Eucharistie pour recueillir de ce « signe dense de signification et de sens » l’invitation à la gratitude mais aussi à la responsabilité d’un nouveau style de vie.

Nous avons proposé l’Eucharistie comme une vie qui nous renvoie à la vie pour l’assumer comme l’occasion d’un don et d’une offre. Dans cette dynamique nous avons aussi impliqué les communautés paroissiales en leur offrant des espaces de prière et de célébration en commun avec nous et nos amis.

The Blessed Sacrament Fathers at Sant’Agata in Arfoli 1

Expérience de partage avec les laïcs

Il s’agit d’une expérience construite et vécue ‘avec’ eux. Les laïcs ont fait partie de notre communauté. Nous ne les avons jamais considérés comme des invités mais comme des protagonistes. Et ils ont accepté volontiers de se sentir comme tels. Avec eux nous avons partagé notre temps, les parcours de réflexion, le travail et la prière. Avec eux nous avons découvert une église ‘simple’, capable d’offrir l’accueil et la miséricorde, une église ouverte et attentive à tout le monde. C’est aussi une église qui se construit dans la réalité du quotidien de chacun d’eux, en essayant de rapporter dans les lieux de leur vie, la beauté et la force de ces intuitions.

Attentifs aux pauvres

Nous avons réservé un espace aussi à cette dimension. Partant de l’idée certaine qu’aujourd’hui la ‘grande pauvreté’ est liée à une pauvreté intérieure et de valeurs, nous avons pensé qu’il était nécessaire d’offrir à ceux qui participaient à notre vie, un espace intense de silence et de réflexion pour se réapproprier de leur propre vie et pour développer des attitudes d’attention profonde envers les autres.

Nous avons toujours pensé qu’à notre époque l’argent ne manque pas, nous en avons même trop, mais il est probablement mal distribué et souvent mal utilisé et gâché. Il nous manque plutôt un ‘cœur’ avec lequel vivre notre rapport avec l’argent et les choses. Il faut travailler pour une nouvelle justice et pour de nouvelles relations entre les hommes, mais on ne peut comprendre cela que quand on se place avec disponibilité devant Dieu, sa Parole et l’Eucharistie.

Joie et gratitude

Oui, en quantité ! pour tous ceux qui sont passés par là, pour les expériences partagées, pour les passages difficiles et les récoltes dramatiques, pour les espoirs naissants et pour le grand désir de repartir et recommencer à vivre avec intensité nos propres vocations.

Nous avons connu plein de gens, de tout âge et de toute provenance. Tous ont été un grand don pour nous. Nous en gardons le souvenir avec gratitude et affection.

Ensuite la rencontre avec l’Eurocamp nous a permis d’élargir ultérieurement les frontières et l’accueil. Préparer et vivre l’Eurocamp à Sant’Agata a été vraiment une très belle expérience. Un mélange de cultures, de langages et de sensibilité, comme si on vivait une nouvelle Pentecôte. Nous étions unis par l’envie de communion, de prière, de service et nous nous comprenions !

The Blessed Sacrament Fathers at Sant’Agata in Arfoli 2

Pastorale vocationnelle

On nous a toujours reproché qu’il n’y a pas eu de vocations SSS à Sant’Agata. Ce n’est pas vrai ! Si l’on entend par ‘vie SSS’ une vie motivée et illuminée par l’Eucharistie, ouverte au don et au service, au désir de nouvelles relations dans la famille, dans l’église locale et dans l’histoire, nous n’avons pas peur d’affirmer que Sant’Agata a été vraiment féconde. Il y a eu de nombreux choix de présence renouvelée, de nouvelle motivation des responsabilités dans la vie personnelle, une grande attention à l’église de provenance, de nombreux gestes de partage envers les pauvres et les derniers. La ‘famille eymardienne’ prenait consistance aussi au cœur de la réalité simple de Sant’Agata.

Quelques-uns ont tenté aussi de prendre le chemin vers l’insertion dans notre famille religieuse mais Dieu en a voulu autrement.

Du point de vue aussi de choix plus spécifiques, les histoires ne manquent pas : vocations à la vie religieuse, choix du diaconat permanent, expériences de volontariat radical, mais aussi la relance de couples, des familles qui ont retrouvé l’harmonie et la fécondité parentale, des choix de service en paroisse.

Pour moi repenser à Sant’Agata c’est comme ouvrir un grand livre et tourner les pages de noms et de visages, et rendre grâce à Dieu pour tout ce qu’ils ont représenté pour moi et pour nous.

C’est une joie - et un réconfort - de savoir que même si Sant’Agata n’a pas poursuivi sa présence d’accueil, il reste cependant les ‘graines’ semées qui fleurissent en bien d’autres espaces. Plus que jamais Sant’Agata vit à travers de nombreux hommes et femmes, dans les souvenirs conservés précieusement dans l’esprit et dans le cœur de ceux qui en la quittant sont repartis avec confiance et espoir.

The Blessed Sacrament Fathers at Sant’Agata in Arfoli 3

Regrets et souffrances

Oui, bien sûr il y en a pas mal.

Le premier est de n’avoir pas réussi à créer un intérêt étendu dans notre Province. Peu de communautés se sont senties concernées par ce projet et par conséquent peu de communautés ont offert à leurs jeunes et leurs groupes l’opportunité de partager l’expérience de Sant’Agata.

Nous n’avons pas été capables de faire une bonne proposition ? Il y a eu des préjugés ? Nos tempéraments, notre manière de faire ne convenaient pas ? Tout est possible. Mais je suis certain d’une chose : nous y avons cru et nous y avons mis toute notre foi et notre volonté de vivre à fond une spiritualité de communion, de service et de contemplation que l’Eucharistie faisait naître en nous.

Et aujourd’hui?

Il est certain que je ne peux pas cacher mon regret de comment Sant’Agata s’est conclue ; mais surtout je regrette que nous n’ayons pas eu l’intuition de présences alternatives à travers lesquelles partager avec d’autres la passion pour ce que nous sommes et pour tout ce que nous considérons comme la beauté d’une vie eucharistique.

À Sant’Agata l’occasion était grande. Mais, outre ceci, je suis habité par une profonde sérénité : nous avons fait tout notre possible, nous nous sommes salis les mains dans un parcours pas toujours facile et dans des conditions pas toujours favorables.

Aujourd’hui j’ai le sentiment qu’il ne me reste plus qu’à rendre grâce au Seigneur pour tout ce que j’ai vécu et pour les opportunités qui nous ont été offertes.

Nous aurions pu faire plus, être plus créatifs, élargir les espaces, proposer encore plus, inventer des occasions et opportunités, mais dans tout ce que nous avons réussi à faire nous y avons cru et nous l’avons vécu avec joie.

 

Italie - Bulletin Spécial n.20, août 2021

Dernière modification le samedi, 28 août 2021 07:28