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mercredi, 24 février 2021 10:40

Homélie des funérailles de Harrie Verhoeven

Nous souhaitons une vie pleine de joies, de bonheur et de santé. Et pourtant, l’expérience nous apprend que dans notre vie, il y a aussi souffrances peines et maladies, ce que nous a apporté le coronavirus, et, à la fin, la mort.

Quelque chose, au fond de nous, que nous appelons la foi chrétienne, nous rappelle de dire : et pourtant, pourtant, la mort n’est pas la fin de tout.

Les premiers chrétiens étaient appelés « ceux qui ne craignent pas la mort ». Pour eux, c’était une entrée dans la joie du Seigneur Jésus-Christ. La mort n’est pas une destruction mais un changement d’état, un passage vers l’autre côté. La vie reste ce qu’elle a toujours été. Jésus dit : « Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi, même s’il est mort vivra ». Nous croyons dans ces paroles. C’est cette foi qu’avait Harrie. Ne pas craindre la mort.

« Celui qui meurt dans la paix vivra encore longtemps dans une vie heureuse » Cette conclusion d’un livre de Mgr Muskens, termine une lettre envoyée en 2017, dans laquelle Harrie présente quelques souhaits pour la célébration de ses obsèques. Hélas, l’épidémie du corona ne rend pas tout possible. Mais Harrie était alors soucieux de son décès, et c’est compréhensible, vu son âge. Avec l’espoir de belles années encore, car il terminait par « J’espère ».

Harrie avait donc prévu son départ. Il n’avait pas donné de mot d’ordre pour la célébration, mais il avait formulé le vœu qu’elle soit marquée par l’espérance, la joie et le sentiment de reconnaissance envers Dieu, sa famille et la Congrégation. Il avait donc fait le choix des deux lectures.

Celle de l’amour, 1e lettre de St Jean, dont il avait écrit en gras la phrase : Celui qui ne connaît pas l’amour ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour.

Comme évangile, celui des disciples d’Emmaüs : l’adieu à Harrie s’y voit plus comme un récit de résurrection.

On a vraiment l’impression que ce récit d’Emmaüs est le plus ancien écrit de résurrection connu par la chrétienté. Une rencontre avec le Seigneur ressuscité. Le Seigneur est vivant, il a vaincu la mort.

Mais c’est également un récit proche de l’expérience humaine. Il en va du désappointement, de la peur et du manque de foi, et aussi de la conversion intérieure et de la foi.

Sans doute que Harrie se reconnaissait dans ce récit, ou le chemin de son expérience de foi, et que ce soit la raison de son choix.

En 2013, nous avons vécu notre retraite provinciale à Wahlwiller. Le thème en était : Sur la trace des disciples d’Emmaüs. Une conférence était donnée par Harrie, avec le titre : « Désappointement et comment vivre avec lui ». Il parlait de la période des années 60-70. Sur le désappointement de la part de la société : plus de place pour Dieu dans notre monde.

Pour quelqu’un éduqué dans notre foi chrétienne, et c’était son cas, c’était une grande perte.

Il parlait de déception pour la foi et l’Église. Des prêtres qui ‘défroquaient’, des gens qui quittaient l’Église. Désappointement dans la vie religieuse aussi. Des Pères et des Sœurs qui partaient, la diminution dramatique du nombre des vocations.

Le Concile Vatican II, disait-il, auquel il avait participé comme théologien (peut-être était-il le dernier acteur survivant de cette époque) avait merveilleuse-ment parlé de la vie religieuse.

Ce n’était plus un mouvement pour des élites, avec un statut élevé ‘à part’, mais un charisme, un chemin particulier pour suivre le Christ de plus près. Et l’Église se sentait appelée à faire voir l’amour de Dieu pour chacun : Il avait lui-même aimé tellement le monde, qu’il avait donné son Fils pour le délivrer du mal.

Dans ce temps troublé pour l’Église et la société, en 1969, Harrie avait été élu comme Supérieur général de notre Congrégation. La tâche lui était confiée de mettre à l’heure la Congrégation, d’y introduire le renouveau demandé par le Vatican II, à l’intérieur et à l’extérieur, de rendre lisible cette Congrégation internationale, dans de nombreuses cultures. Cela n’allait pas de soi. Et encore, le renouvellement de notre Règle de Vie. Harrie se retroussa les manches. La Règle fut achevée par son successeur, le P. McSweeney. L’un des anciens Généraux, dans la présentation de ses condoléances, écrivait que Harrie avait été un ‘acteur principal’ dans le renouveau de la Congrégation.

En Occident, le désappointement, mais en Asie, la Congrégation s’accroit. En tant que Supérieur général, Harrie fit de nombreux voyages en Orient : Indes, Sri Lanka, Philippines, Vietnam. Il était fier d’une fondation au Vietnam. Les manifestations de condoléances reçues de la part des confrères de ces pays sont pleines de louanges. Comme de tant d’autres pays.

Il revint aux Pays-Bas en 1981, dans une Église bien changée. Par les fonctions qu’y eut Harrie, nous entendons dès le début, il atterrit de bon droit dans ses centres de direction. Harrie remarqua aussi cette Église polarisée lors de la visite du Pape Jean-Paul II, dont il fut l’interprète, en 1985. Entre autres, à Utrecht. Une petite anecdote : Mme Hedwy Wasser, au nom d’un groupe, parlait du domaine de la mission ; elle sortit soudain de son texte et fit quelques réflexions critiques. Harrie traduisit fidèlement pour le Pape.

Ce fut encore plus désagréable pour lui parce qu’il était assis entre les rangées, sur dirait-on un seau retourné. Il le racontait ainsi !

J’ai connu Harrie comme quelqu’un qui n’appartenait pas aux extrêmes : ni de droite ni de gauche. Mieux : la voie du milieu, ou encore, le chemin de l’amour. Il avait certes un fort tempérament. Une vue, un jugement clairs. Et le ‘Général’ n’avait pas disparu !

Les pèlerins d’Emmaüs étaient déçus, mais ouverts à l’étranger marchant avec eux. Ce récit nous apprend, comme Harrie, que nous ne devons pas parler de notre déception avec ceux qui nous ressemblent. Il faut oser nous ouvrir à l’étranger qui nous met l’Écriture sous les yeux d’une manière nouvelle.

Le récit d’Emmaüs est celui d’une oreille attentive, d’accompagnement spirituel de personnes dans le deuil, la peur, le désespoir, la déception, le désappointement. Des gens nous montrent l’amour de Dieu. La présence de Dieu. C’est aussi donner la vie, à travers des moments de mort.

Et pour beaucoup, Harrie a été ainsi le compagnon de vie et de foi. Surtout pour les jeunes religieux, dans la Congrégation, comme Provincial ou Général, curé de paroisse ou membre de nombreux organes de direction de l’Église des Pays-Bas.

Nous sommes nous aussi des disciples d’Emmaüs. Attristés par son départ.

Nous sommes ici ensemble une dernière fois avec Harrie.

Nous avons ouvert les Écritures et bientôt nous partagerons le Pain et le Vin. Comme Jésus le soir de la dernière cène, comme il a partagé le Pain avec les disciples d’Emmaüs.

Qui virent alors que le Ressuscité était avec eux, que cela ne se termine pas avec la souffrance et la mort.

Nous remercions le Seigneur pour la vie de Harrie. Sa famille, la Congrégation lui sont reconnaissantes pour tout ce qu’il a partagé et donné.

Les disciples d’Emmaüs s’en sont retournés pleins d’espérance, de joie, vers Jérusalem. Finies la tristesse, la déception…. Le Seigneur est vivant !

Jérusalem, la ville céleste, où est Harrie maintenant. Maison de notre Dieu. Source et horizon de tout ce qui existe. Cœur et âme de tout qui y arrive, de tous les temps, destination finale de toute vie.

Harrie, tu es arrivé à la maison, et après ces jours très durs, ces derniers mois, nous te disons : vis en paix, dans la joie. Amen.

Nous ne disons pas seulement adieu à un confrère, mais aussi à un frère, beau-frère et oncle.

Je sais qu’Harrie était attaché à sa famille. Joke, tu peux maintenant lui dire un mot.

5 janvier 2021

Père Fons Kuster, sss
Supérieur à Nimègue

Dernière modification le mercredi, 24 février 2021 10:43