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vendredi, 13 septembre 2019 14:29

À l’écoute de la voix théologique de notre charisme à travers les études sur Eymard

Le pont entre la compréhension intellectuelle et la connaissance pratique est un passage familier pour les congrégations religieuses. Fabio Ciardi, OMI décrit brièvement comment

« Nous avons examiné et approfondi les études sur la vie religieuse dans toutes ses caractéristiques anthropologiques, psychologiques, sociologiques, théologiques et spirituelles. Pourtant, bien souvent nous ne savons pas comment actualiser (mettre en pratique) ce que nous avons compris. Nous remarquons presque une dichotomie entre la compréhension intellectuelle et l’expérience de notre vécu. »

C’est là que la théologie pratique peut intervenir et contribuer à améliorer la qualité de notre vie religieuse. L’augmentation de cette façon d’exercer la théologie ces cinquante dernières années a été sporadique. Cela est dû en partie à la manière que nous avons de penser à la théologie : l’accès à la compréhension et aux vérités sur Dieu se fait à travers les mots, en général avec d’autres personnes que nous appelons ‘théologiens’. Cependant, le point de départ pour une théologie pratique ce ne sont pas les mots, mais des pratiques et des actions dictées par la foi, une espèce de texte vivant des actions humaines qui pose la question de savoir ce que ces pratiques peuvent développer en nous suivant l’invitation de Dieu aujourd’hui. Thomas Groome montre que l’un des principes catholiques utilisés dans la théologie pratique élargit la définition traditionnelle de la théologie de St Anselme jusqu’à sa conclusion naturelle : La foi cherche la compréhension… et après ? Nous ne nous arrêtons pas à la compréhension de quelque chose ou de quelqu’un ; nous vivons cette compréhension !

J’ai récemment terminé presque cinq ans d’études à la Catholic Theological Union de Chicago, une université théologique de troisième cycle qui se compose d’un amalgame d’instituts religieux à travers les États-Unis. Mon intérêt principal durant cette période là-bas a été d’entreprendre une recherche doctorale sur la théologie pratique de notre fondateur, c’est-à-dire la fondation au sens universel du terme, car à sa mort en août 1868 St Pierre-Julien Eymard avait établi deux congrégations religieuses et une agrégation laïque d’hommes et de femmes, faisant en sorte que la vision universelle de l’Eucharistie s’infiltre dans l’ensemble du peuple de Dieu.

L’un des thèmes clé du P. Eymard dans ses prédications et dans son ministère à travers ses lettres écrites, était de transmettre l’enseignement que le Don de Soi était l’ultime réponse au Christ qui se donne dans l’Eucharistie. Cependant, cet enseignement ne devait pas rester qu’une idée et devait se manifester dans la pratique. Le problème était que cette idée fut accueillie avec ambiguïté et confusion. Les premiers Pères du Saint Sacrement ont certainement eu des difficultés à la saisir. Ses lettres à un petit groupe de femmes laïques étaient très explicites et précisaient clairement ce à quoi le Don de Soi devait ressembler une fois qu’il était extrait de la page et mis en pratique.

De nombreuses congrégations religieuses ont rencontré le même problème quand elles ont tenté de retracer l’identité charismatique de leur fondateur. Les aspects fondamentaux d’un charisme qui compose la toile de notre vie religieuse, peuvent parfois nous apparaître tellement abstraits que faire le saut dans l’application pratique nous semble au-delà de notre capacité. Il y a environ deux ans, un directeur de formation m’a fait ce commentaire : « Je ne sais pas comment animer le sujet du Don de Soi avec les étudiants. Tout ce que je lis sur ce sujet me semble très aride et abstrait. Que peut-on faire, Darren ? »

Le projet de recherche que j’entrepris alors, identifia des méthodes et des procédures pour aider à répondre à ce ‘Que peut-on faire ?’, et il propose en large mesure des instruments pour présenter ce que nous pratiquons en tant que religieux et agrégés laïcs par rapport à l’inspiration originelle de notre fondateur. La recherche se développa à partir de deux distinctions importantes. Premièrement, le type de regard que nous posons sur St Pierre-Julien affecte ce que nous voyons ; il y a une différence entre regarder sa vie à travers les biographies par exemple, et regarder à l’intérieur de sa vie à travers les révélations propres du P. Eymard. Deuxièmement, l’attention de la recherche ne portait pas seulement sur ce qu’il enseignait, mais sur comment il le faisait, et le contenu de ses lettres écrites fournit un grand nombre de possibilités pour faire des propositions sur comment le Don de Soi fait partie de la théologie pratique d’Eymard.

La recherche en elle-même m’a pris énormément de temps, mais je suis arrivé à la conviction définitive que les quinze participants, comprenant des prêtres et des agrégés SSS de la Province Ste Anne, ont eu l’occasion de vivre un sens de renouvellement dans leurs ministères permanents par leur participation à ce projet formulé en thèse. Les interviews enregistrées, les groupes spécialisés, l’analyse narrative, et des méthodes de recherche de qualité ont formé le soubassement pour la construction des six chapitres de ma thèse que j’ai soutenue avec succès à Chicago le 11 avril de cette année.

La valeur interculturelle de ce travail est aussi d’une immense importance du fait que nos villes et nos communautés religieuses se développent aujourd’hui toujours plus dans un cadre international. L’animation de la recherche que j’ai entreprise a été régulièrement présentée et suivie par nos 95 étudiants en Inde, ainsi que par les membres de notre agrégation laïque en Ecosse, Irlande et aux États-Unis. J’espère que cette thèse apportera sa contribution au travail fondamental de connaissance de St Pierre-Julien Eymard à travers ses relations, ses écrits et ses contextes de vie, que nous devons rattacher à nos bases culturelles et à nos lieux comme partie intégrante de nos programmes de formation pour les futurs religieux et membres de l’Agrégation. Rencontrer le saint eucharistique de Dieu de l’intérieur fait la différence dans la manière dont les futurs ministres et leur mission prennent forme en tant que membres de notre famille charismatique Eymardienne.

Pour finir, le type d’approche à notre vie religieuse partagée en Dieu que j’ai commencé à Chicago, peut se résumer par ce que Esther Posada appelle ‘l’écoute théologique du Charisme’

« C’est l’écoute silencieuse du charisme dans sa densité théologique. Cela ne signifie pas interrompre l’étude officielle et systématique, mais faire un effort actif, sérieux et persévérant, avec stupéfaction et gratitude pour ce que Dieu a fait et continue de faire. »

Soyez bénis et inspirés dans l’identité charismatique de notre fondateur à travers votre écoute !

26 août 2019

Père Darren Maslen, sss
Chapelle du Saint Sacrement, Dublin